L’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme est un article un peu particulier permettant l’application des règles d’un POS/PLU à l’échelle d’un projet. Son apport a été considérable en ce qu’il a permis aux promoteurs et lotisseurs de proposer des projets de densification sur certains terrains qui auraient été auparavant inenvisageables. D’une rédaction très simple, il n’en génère pas moins des difficultés d’interprétations en particulier pour les lotissements.
Définition et champ d’application
L’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme1 s’applique « dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance ».
A noter que l’ancienne rédaction indiquait que l’opération projetée devait se dérouler « sur un même terrain » alors que la nouvelle rédaction vise « l’unité foncière » ou plusieurs « unités foncières contigües » ce qui permet de prendre en compte l’assiette du projet de façon générale indépendamment du fait qu’il s’agisse de plusieurs parcelles de terrains ou d’une seule et même parcelle2
Autre élément : si l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme ne fait référence qu’aux règles édictées par le PLU, il s’applique également aux règles édictées par les POS 3.
Rappelons que les POS/PLU peuvent moduler l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme pour n’y faire exception que dans certaines zones et/ou pour certaines règles et/ou uniquement pour ce qui concerne les lotissements ou les opérations groupées relevant d’un PCVD.4
L’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme en pratique
Afin de bien comprendre les conséquences de l’application de cet article, nous allons étudier un exemple relativement simple s’agissant de la règle d’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Nous partirons de l’hypothèse d’une règle imposant un recul de 4m et d’un projet de construction de deux villas.
Dans l’hypothèse A, chacune des villas fait l’objet d’une demande de permis propre.
Dans l’hypothèse B, les deux villas font l’objet d’un seul et même permis.
Pour la construction de la maison 1 il conviendra de respecter un recul de 4m par rapport à l’ensemble des propriétés voisines existantes mais également par rapport à la limite séparative du terrain d’assiette de la maison 2.
Ici les deux maisons sont réalisées dans le cadre du même permis, il sera possible de faire application de l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme (dans notre exemple le règlement ne s’y oppose pas) et de soumettre l’assiette du projet, constituée des deux parcelles contiguës, à la règle d’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.
Dès lors, il convient de prendre en compte le périmètre global du projet pour le soumettre à la règle du recul par rapport aux limites séparatives et il sera tout à fait possible d’implanter les maisons en limites séparatives à l’intérieur du périmètre du projet (comme la maison 1 dans notre exemple).
Les difficultés d’interprétation
Depuis son apparition la doctrine s’était globalement accordée sur l’interprétation à retenir de l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme mais une décision de la Cour d’Appel de Lyon en date du 9 juillet 20135 a remis en cause cette interprétation.
Il s’agissait d’une affaire dans laquelle une demande de permis de construire sur un lot de lotissement avait été refusée au motif du non respect de l’article 7 du règlement du PLU d’une commune. En effet, le pétitionnaire s’était affranchi du respect de l’article 7 du PLU considérant que l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme lui permettait de ne tenir compte que des limites externes du lotissement et qu’il n’avait pas à respecter les règles du PLU à l’intérieur du lotissement (hypothèse B de l’exemple présenté dans cet article).
La Cour d’Appel de Lyon donne raison à la commune avec une argumentation assez surprenante :
Considérant, d’une part, que, contrairement à ce que soutient M.E…, l’article R. 123-10-1 précité du code de l’urbanisme, dont les dispositions ne concernent que la décision autorisant le lotissement, n’impliquent pas, lors de la délivrance d’un permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans un lotissement, d’apprécier le respect des dispositions relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives au regard des seules limites externes du lotissement, à l’exclusion des limites internes entre les différents lots ;
La Cour estime que l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme ne peut s’appliquer qu’à la demande d’autorisation de lotir. La rédaction de l’article n’est en effet pas très précise à ce sujet, indiquant simplement « Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction« , il n’est pas explicitement indiqué que les demandes de permis de construire sur les lots de lotissement peuvent bénéficier des dispositions de l’article R.123-10-1.
L’analyse de la Cour est toutefois surprenante dans le sens où elle ne semble pas tenir compte de l’esprit de la rédaction de l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme qui, en citant le cas des lotissements, vise a priori, la demande d’autorisation du lotissement ainsi que les demandes de permis de construire sur les lots de ce lotissement. Dans le cas contraire et si on suit l’analyse de la Cour d’Appel de Lyon, cela reviendrait à instruire des demandes d’autorisation de lotissement conformément à l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme et à autoriser des divisions créant des lots qui ne pourraient recevoir de constructions (dans le cas de petits lots par exemple).
Une décision récente a d’ailleurs retenu une analyse différente de celle de la CAA de Paris6 et considère la notion de lotissement dans sa globalité, c’est à dire, l’autorisation de lotir ainsi que les permis de construire déposés par les acquéreurs des lots de ce lotissement.
que les auteurs du plan local d’urbanisme de Paris n’ayant pas fait ce choix, les premiers juges ont relevé à juste titre que le respect des règles d’implantation et de gabarit des constructions devait être apprécié au regard de l’ensemble du projet, et donc au regard des règles fixées par les articles UG.8 et UG.10.4 concernant respectivement l’implantation et le gabarit enveloppe des constructions sur un même terrain, en ce qui concerne les immeubles placés en vis-à-vis sur le site du lotissement, même prévus par des permis de construire distincts, et que les moyens tirés d’une méconnaissance des articles UG.7.1 et UG.10.3.1, relatifs à l’implantation et au gabarit enveloppe des constructions par rapport aux limites séparatives étaient inopérants ;
Cette décision nous semble conforme à l’esprit de l’article R.123-10-1 du code de l’urbanisme, il conviendra de surveiller les décisions du Conseil d’Etat quand il aura à s’exprimer sur ce sujet.
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